Il est plus évident de s’entretenir avec la personne qui dénonce une situation de harcèlement sexuel qu’avec la personne mise en cause
Ce retour fréquent des référents pointe une épineuse situation : Confronter la personne mise en cause à son comportement, à ses propos ou à ses actions présumées.
Pourquoi un tel embarras ? Parce qu’il n’est pas si évident de recueillir des informations sur des sujets de sexualité avec un autre salarié de son entreprise.
Ce travail d’investigation et de posture d’enquêteur est pourtant essentiel pour une raison simple : moins le recueil d’informations sera précis et factuel, au plus il sera difficile de garder une posture neutre et objective. A fortiori devant la personne mise en cause.
Inversement, les référents m’expriment des facilités à écouter la personne qui dénonce une situation. Autrement dit, ils éprouveraient plus facilement de la compassion et de l’empathie pour la « victime présumée ».
Il faut néanmoins être vigilant car si le référent n’y prête pas attention, et qu’il ne récupère lors de son premier entretien que du subjectif et de l’émotionnel, il sera en difficulté par la suite lors de sa rencontre avec la personne mise en cause. Sans fait précis et détaillés à confronter, cette dernière demandera légitimement : « qu’est-ce que vous me reprochez précisément ? »
Pour éviter cet écueil et ne pas prendre parti, un moyen consiste à travailler sa posture. Pour ne pas se laisser submerger par l’affect, les entretiens doivent se concentrer sur des éléments objectivables. Et pour cela il faut oser demander
- à la personne qui alerte :
- des faits et des détails qui sont autant de propos, de comportements, de traits d’humour déplacés, d’allusions,
- de revenir sur son ressenti émotionnel, physique, moral,
- faire exprimer les manifestations de son refus, de sa désapprobation, de sa demande de faire cesser le comportement de l’autre,
- lui demander ce qu’elle attend de la démarche,
- …
- à la personne mise en cause :
- demander de verbaliser sa compréhension de l’entretien et de la procédure,
- des explications sur l’origine de la situation, des évènements, leur enchaînement,
- en cas de faits avérés sur des éléments objectifs : ses intentions, ce qu’elle comprend du tort qu’elle a pu générer,
- les engagements qu’elle est prête à prendre pour modifier son comportement,
- …
Je terminerais ce propos par une ouverture en vue de l’acte 4. Les entretiens neutres et objectifs des référents ont une ambition fondamentale : Éclairer le rapport de « consentement » entre les protagonistes.
Article rédigé par Emmanuel Alba